Quelle est la durée d'une garde à vue ?
En principe, la durée de la garde à vue ne peut excéder 24 heures.
Toutefois, elle peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures (soit 48h au total).
Cette prolongation peut se faire, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, si l’infraction reprochée est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’au moins 1 an (Article 63 du Code de procédure pénale).
Dans de certains cas, une garde à vue peut durer plus longtemps.
Effectivement, pour les infractions les plus graves, notamment en matière de criminalité organisée ou de terrorisme, la durée de la garde à vue peut faire l’objet de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune (soit 96 heures au total).
A titre très exceptionnel, dans ces mêmes cas, si la durée prévisible des investigations restant à réaliser le justifie, la garde à vue peut encore être prolongée de 48 heures supplémentaires (soit 144 heures au total) (Article 706-88 du Code de procédure pénale).
Quels sont les droits garantis en garde à vue ?
La contrepartie de la privation de liberté qu’entraîne une mesure de garde à vue est la garantie de certains droits essentiels.
Ces droits doivent être notifiés à la personne placée en garde à vue dès le début de la mesure.
Ces droits sont énumérés à l’article 63-1 du Code de procédure pénale et il revient à la personne gardée à vue de choisir si elle veut en faire usage ou non :
Le droit de faire prévenir un proche, son employeur, ainsi que les autorités consulaires de l'Etat dont la personne placée en garde à vue a la nationalité ;
Le droit d’être examinée par un médecin, lequel se prononcera sur la compatibilité de la garde à vue avec l’état de santé de la personne placée en garde à vue ;
Le droit d’être assisté par un avocat, étant précisé que si la personne placée en garde à a vue ne connait pas d’avocat et n’est donc pas en mesure d’en désigner un, un avocat commis d’office pourra l’assister ;
Le droit d’être assistée par un interprète, si nécessaire ;
Le droit de consulter certains documents (procès-verbal de placement en garde à vue et de notification des droits, certificat médical si un médecin a été consulté, procès-verbaux des auditions et confrontations passées) ;
Le droit de présenter des observations au magistrat se prononçant sur l’éventuelle prolongation de la garde à vue tendant à ce qu’il soit mis fin à cette mesure ;
Le droit de faire des déclarations, de répondre aux questions posées ou de se taire.
L’absence de notification de ces droits, leur notification tardive ou la méconnaissance de ceux-ci sont susceptibles d’entraîner l’annulation de la mesure de garde à vue.
Faut-il garder le silence en garde à vue ?
Garder le silence est un droit dont on peut faire usage ou non.
Hormis les questions relatives à son identité auxquelles la personne gardée à vue est en principe tenue de répondre, il est possible de répondre à l’ensemble des questions posées ensuite par la formule : « je garde le silence ».
Bien entendu, il est possible de garder le silence sur certaines questions uniquement.
S’il est fait usage de ce droit au silence, il est en général préférable de l’appliquer à toutes les réponses, sauf à faire émerger aux yeux des enquêteurs les questions qui apparaissent comme « dérangeantes » pour la personne placée en garde à vue.
Dans certains cas précis, l’usage de ce droit au silence peut se révéler utile ; Il n’est toutefois pas toujours judicieux.
L'opportunité de faire usage de ce droit au silence dépend d’un certain nombre d’éléments et doit s’inscrire dans une stratégie de défense globale et réfléchie.
L’entretien de 30 minutes avec un avocat au début de la mesure de garde à vue peut être l’occasion d’échanger avec lui sur l’opportunité de faire usage de ce droit au silence ou non.
Est-il obligatoire de donner son code de téléphone en garde à vue ?
Il n’est pas rare que, lors d’une audition de garde à vue, un enquêteur demande à la personne mise en cause les codes de déverrouillage de son téléphone en vue de son exploitation (messages, réseaux sociaux, photographies et vidéos, historique de navigation internet…).
En principe, il lui donnera connaissance des dispositions de l’article 434-15-2 du code pénal qui sanctionnent le fait de ne pas donner son code de téléphone, si certaines conditions sont satisfaites (notamment le fait que le téléphone a été susceptible d’être utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit), d'une peine de trois ans d’emprisonnement et de 270 000 euros d’amende.
Si ce refus a été opposé alors que le déverrouillage du téléphone aurait permis d’éviter la commission d’un crime ou d’un délit ou d’en limiter les effets, la peine est de cinq ans d’emprisonnement et 450 000 euros d’amende.
Ainsi, en cas de refus, et si les conditions fixées par cet article sont satisfaites, la personne mise en cause s’expose à être poursuivie et condamnée pour cette infraction.
À quoi sert l’avocat en garde à vue ?
En vertu de certaines idées reçues, ne pas solliciter l’assistance d’un avocat permet de démontrer sa bonne foi ou de faire en sorte que la garde à vue se termine plus rapidement.
En réalité, la décision de se faire assister par un avocat n’est jamais préjudiciable.
L’avocat a un rôle essentiel lors de la garde à vue, notamment en ce qu’il veille au parfait respect des droits de la personne mise en cause.
Si celle-ci ne connait pas d’avocat et n’est pas mesure d’en désigner un, l’Ordre des avocats désignera un avocat commis d’office, généralement formé à la défense pénale d’urgence, pour l’assister.
Un avocat peut également être désigné par le proche qui a été prévenu par la personne mise en cause de son placement en garde à vue. Un enquêteur demandera à cette dernière de confirmer ou non cette désignation (Article 63-3-1 du Code de procédure pénale).
Dès l’arrivée de l’avocat, le mis en cause peut s’entretenir avec lui de manière parfaitement confidentielle pendant 30 minutes maximum. L’objet de cet entretien est généralement d’échanger sur la stratégie à adopter, notamment s’agissant de l’opportunité de faire usage ou non du droit au silence, et sur des questions d’ordre procédural.
L’avocat a uniquement connaissance de la qualification, de la date et du lieu de l’infraction reprochée. Il n’a pas accès au dossier de procédure et n’a notamment pas connaissance des éventuels témoignages ou des éléments matériels figurant au dossier (traces ADN, images de vidéosurveillance…).
L’avocat est présent lors des auditions et des éventuelles confrontations. Il ne peut pas intervenir au cours de celles-ci.
L’avocat peut toutefois :
A l’issue de chaque audition ou confrontation, lorsque cela est opportun, poser des questions ;
A l’issue de chaque entretien, audition ou confrontation, présenter des observations écrites qui seront communiquées au Procureur de la République.
Par ailleurs, il peut assister la personne mise en cause lors de la relecture des procès-verbaux, pour veiller à ce que ses propos aient bien été fidèlement retranscrits.
Un nouvel entretien confidentiel de 30 minutes avec l’avocat sera possible au début de chaque prolongation de la garde à vue.
Attention : si l’avocat est en contact avec un proche de la personne gardée à vue, l’avocat est tenue de respecter le secret de l’enquête et ne peut rien révéler du dossier, notamment l'infraction reprochée.
Les échanges se limitent généralement à des questions de procédure (durée de la garde à vue, éventuelle prolongation de la mesure, suites envisageables…).
Peut-on refuser de signer un procès-verbal en garde à vue ?
L’ensemble des procès-verbaux (notification des droits, auditions, confrontations…) sont soumis à la signature de la personne gardée à vue.
Avec l’assistance de son avocat, elle peut demander la correction d’une mauvaise retranscription de ses propos ou demander à ajouter une précision utile.
Le fait de signer le procès-verbal acte généralement une validation de la retranscription écrite des propos tenus.
Il est conseillé de ne pas signer uniquement si la retranscription écrite n’est pas conforme aux déclarations faites et que l’enquêteur a refusé d’apporter les corrections demandées. L’avocat ne manquera pas de déposer des observations écrites qui seront communiquées au Procureur de la République dans une telle situation.
Le fait de refuser de signer n’emporte aucune conséquence procédurale. L’enquêteur apposera simplement la mention « refus de signer » sur les procès-verbaux, lesquels seront malgré tout joints au dossier de procédure.
Un mineur peut-il être placé en garde à vue ?
La garde à vue est possible à partir de l'âge de 13 ans.
Pour le mineur de 10 à 13 ans : à titre exceptionnel, le mineur peut simplement faire l’objet d’une mesure de « retenue » seulement s’il est soupçonné d'avoir commis ou tenté de commettre un délit ou crime puni d'au moins 5 ans d’emprisonnement (Article L.413-1 du Code de la justice pénale des mineurs).
Cette mesure ne peut excéder 12 heures, renouvelable une fois (soit 24 au total) (Article L.413-2 du Code de la justice pénale des mineurs.
Pour le mineur de 13 et plus : le mineur peut faire l’objet d’une mesure de garde à vue, au même titre qu’un majeur (Article L.413-6 du Code de la justice pénale des mineurs).
Il existe toutefois certaines particularités procédurales :
S’agissant du mineur de 13 à 16 ans, la mesure de garde à vue est prévue pour une durée initiale de 24 heures et peut être prolongée de 24 heures supplémentaires uniquement si l’infraction concernée est punie d’au moins 5 ans d’emprisonnement (Article L.413-10 du Code de la justice pénale des mineurs) ;
Dès le début de la garde à vue, le mineur doit obligatoirement être assisté par un avocat (Article L.413-9 du Code de la justice pénale des mineurs) ;
Toute audition d’un mineur doit faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel (Article L.413-12 du Code de la justice pénale des mineurs).
Quelle est la différence entre une audition libre et une garde à vue ?
Comme la garde à vue, l’audition libre concerne uniquement les personnes suspectées d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction.
A la différence de la garde à vue, l’audition libre peut porter sur des infractions qui ne sont pas punies par une peine d’emprisonnement. De plus, la personne suspectée est entendue sans contrainte par l’enquêteur : elle se rend librement dans les locaux de la police et de la gendarmerie et peut les quitter à tout moment (Article 61-1 du Code de procédure pénale).
En général, cette mesure est mise en œuvre pour les infractions les moins graves (notamment celles pour lesquelles aucune peine d’emprisonnement n’est pas encourue) et/ou lorsqu’une garde à vue n’apparaît pas nécessaire (absence de risque de modification des preuves ou indices matériels, de pression sur des témoins ou des victimes, de concertation avec des coauteurs ou complices…).
La personne entendue dans le cadre d’une audition libre bénéficie d’un certain nombre de droits :
Le droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue ;
Le droit d’être assistée par un interprète, si nécessaire ;
Le droit de faire des déclarations, de répondre aux questions posées ou de se taire (Il est toutefois obligatoire de décliner son identité) ;
Le droit d’être assistée d’un avocat si l’infraction pour laquelle elle est entendu est puni d’une peine d’emprisonnement.
Attention : il arrive qu’une audition libre aboutisse sur un placement en garde à vue.
C’est le cas, notamment, lorsque l'audition libre a permis de confirmer certains soupçons au sujet de la commission d’une infraction ou lorsqu’il apparaît que l’infraction est en réalité beaucoup plus grave que celle qui était initialement suspecté.
Quelles sont les suites possible d’une GAV ?
L’objectif principal d’une garde à vue est avant tout de pouvoir recueillir les explications d’une personne soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction. Bien entendu, la personne gardée à vue reste présumée innocente tout au long de cette mesure.
Les issues les plus fréquentes d’une garde à vue sont les suivantes :
A l’issue de la garde à vue, la personne mise en cause est remise en liberté :
Classement sans suite : il apparait au cours de la garde à vue, parallèlement à laquelle des actes d’enquêtes ont pu être réalisés (exploitation de vidéosurveillance, auditions de témoins…), que l’infraction initialement reprochée n’est pas caractérisée ou qu’il n’est pas opportun d’engager des poursuites. La procédure est alors classée sans suite et la personne repart totalement libre à l’issue de la garde à vue.
Convocation par Officier de Police Judiciaire (COPJ) : lors de la levée de la garde à vue, un Officier de Police Judiciaire remet à la personne mise en cause une convocation à une audience de jugement.
A l’issue de la garde à vue, la personne mise en cause n’est pas remise en liberté est déférée (conduite sous contrainte devant un magistrat, en principe le jour même) :
Le déféremment devant un procureur de la République
La personne mise en cause est présentée au procureur de la République et se voit remettre une Convocation pas procès Verbal (CPPV) ou une Convocation par procès-verbal sous contrôle judiciaire (CPVCJ) : la personne sort libre, éventuellement sous contrôle judiciaire décidée par un Juge des Libertés et de la Détention, dans l’attente de l’audience (Article 394 du Code de procédure pénale).
Elle est présentée au procureur de la République qui décide de la traduire devant un tribunal en vue d’une audience comparution immédiate qui se déroulera en principe le jour même (Article 395 du Code de procédure pénale).
Elle êtes présentée au procureur de la République qui décide de recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (Article 495-7 du Code de procédure pénale).
Le déféremment devant un juge d’instruction
Pour les crimes, et les délits d’une particulière gravité et/ou complexité, la personne mise en cause peut être présentée à une juge d’instruction lequel lui attribuera le statut de mis en examen ou de témoin assisté dans le cadre d’une information judiciaire.
En cas de mis en examen, il est possible de sortir sous contrôle judiciaire ou d'être placé en détention provisoire après être passé devant le Juge des Libertés et de la Détention.
A l’issue de l’information judiciaire, la personne pourra bénéficier d’un non-lieu ou être renvoyée devant une juridiction de jugement.
Peut-on être indemnisé d’une garde à vue injustifiée ?
La mesure de garde à vue n’est pas toujours suivie de poursuites.
Cette mesure, qui peut être longue et éprouvante, peut être perçue par l’intéressé comme une garde à vue injustifiée ou une garde à vue abusive dans la mesure où il a été privé de sa liberté pour « rien ».
Pourtant, il n’est pas possible d’être indemnisé en raison d’une garde à vue à l’issue de laquelle aucune charge n’a été retenue.
Les choses sont différentes, par exemple, en matière de détention provisoire où une procédure d’indemnisation spécifique existe lorsque la procédure débouche sur un non-lieu, une relaxe ou un acquittement.
Dans des cas exceptionnels où la garde à vue est manifestement abusive, au cours de laquelle les droits de la personne gardée à vue n’ont pas été respectés, l’engagement de certaines procédures doit être envisagé (dépôt de plainte, signalement à l’IGPN, saisine du Défenseur des Droits…).
Il est également possible d’envisager d’engager la responsabilité de l’Etat en cas de faute lourde sur le fondement de l’article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire.