Quelles sont les conditions ?
L’article 122-1 du Code pénal dispose :
« N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable. Toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime. Si est encourue une peine privative de liberté, celle-ci est réduite du tiers ou, en cas de crime puni de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle à perpétuité, est ramenée à trente ans. La juridiction peut toutefois, par une décision spécialement motivée en matière correctionnelle, décider de ne pas appliquer cette diminution de peine. Lorsque, après avis médical, la juridiction considère que la nature du trouble le justifie, elle s'assure que la peine prononcée permette que le condamné fasse l'objet de soins adaptés à son état ».
Ce texte prévoit ainsi deux choses :
Une personne dont le discernement est totalement aboli en raison d’un trouble mental ne peut pas être responsable pénalement des faits qu’elle a commis et ne peut donc pas être condamné à ce titre ;
Une personne dont le discernement est altéré en raison d’un trouble mental peut être responsable pénalement, toutefois, cela devra être pris en compte dans le prononcé de la peine qui sera réduite.
En matière d’abolition, trois conditions doivent être réunies pour que l’auteur des faits soit reconnu comme pénalement irresponsable :
L’auteur des faits doit être atteint d’un « trouble psychique ou neuropsychique » (schizophrénie, paranoïa, retard mental…) ;
Ce trouble doit exister au moment des faits ;
Ce trouble est la cause de l'abolition du discernement de l’auteur des faits (impossibilité de distinguer le réel et l’imaginaire, le bien et le mal…).
Quelles sont les conséquences procédurales ?
Pour des faits peu graves et si l’abolition du discernement ne fait aucun doute, le Parquet peut décider de cesser rapidement les poursuites contre l'auteur des faits : l'affaire est classée sans suite.
Si des poursuites sont engagées et que l’auteur des faits est renvoyé devant une juridiction de jugement, il fera l’objet d’une relaxe ou d’un acquittement dans la mesure où il sera considéré comme irresponsable pénalement au titre de l'article 122-1 du Code pénal.
Lorsqu'une instruction a été ouverte et que l’abolition du discernement a été constatée par des experts-psychiatres, le juge d’instruction en charge de l’affaire pourra rendre une ordonnance d’irresponsabilité pénale ; La chambre de l’instruction, devant laquelle une audience spéciale se tiendra, pourra également être saisie.
Lors de cette audience, les experts ayant examiné la personne mise en examen sont entendus.
Si l’abolition du discernement est avérée et qu’il est constaté qu’il existe bien des charges suffisantes contre la personne poursuivie d’avoir commis les faits reprochés, la chambre de l’instruction rend un arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale.
A la demande des parties civiles, elle pourra renvoyer l’affaire devant le tribunal compétent pour qu’il statue sur les dommages et intérêts.
Elle peut également prononcé des mesures de sûretés à l’encontre de l’auteur des faits (admission en soins psychiatriques, interdiction d’entrer en relation avec la victime, de paraître en certains lieux…).
Peut-on est déclaré irresponsable pénalement lorsque le trouble mental est causé par une consommation de substance psychoactives (consommation de cannabis, d'alcool, de médicaments…) ?
Le fait de consommer des stupéfiants ou de l’alcool n’est pas une cause d'exonération de responsabilité, bien au contraire. En effet, pour un certain nombre d’infractions, comme les violences et agressions sexuelles, cela constitue une circonstance aggravante de nature à rendre la peine encourue plus importante.
Le fait qu’une personne soit ivre, dans un état second ou, de manière générale, ne soit pas totalement maître de ses actes en raison d’une telle consommation ne permet pas de considérer que son discernement était aboli ou altéré au sens de l’article L. 122-1 du Code pénal.
Toutefois, dans certaines hypothèses relativement limitées en pratique, il peut être considéré que la prise de substances psychoactives a pu entraîner un véritable trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli ou altéré le discernement de l’auteur des faits (par exemple, lorsqu’elle a déclenché une bouffée délirante ou a aggravé un trouble schizophrène).
Suite à l’affaire très médiatisée du meurtre de Sarah Halimi, la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure est venue encadrer précisément ces hypothèses, notamment avec l'introduction de nouveaux articles dans le Code pénal.
En matière d’abolition du discernement, l’article 122-1-1 du Code pénal indique que :
« Le premier alinéa de l'article 122-1 n'est pas applicable si l'abolition temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d'un crime ou d'un délit résulte de ce que, dans un temps très voisin de l'action, la personne a volontairement consommé des substances psychoactives dans le dessein de commettre l'infraction ou une infraction de même nature ou d'en faciliter la commission ».
Ainsi, si une personne a consommé des substances en vue de la commission d’une infraction et que cette infraction a aboli son discernement, elle ne pourra pas bénéficie d’une irresponsabilité pénale.
En matière d’altération du discernement, l’article 122-1-2 du Code pénal prévoit :
« La diminution de peine prévue au second alinéa de l'article 122-1 n'est pas applicable en cas d'altération temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d'un crime ou d'un délit lorsque cette altération résulte d'une consommation volontaire, de façon illicite ou manifestement excessive, de substances psychoactives ».
En d’autres termes, lorsqu’une personne a consommé des substances et que cette consommation a altéré son discernement (que cette consommation était été faite en vue de la commission des faits ou non), elle ne pourra pas bénéficier d’une réduction de peine normalement applicable en cas d’altération du discernement.
Par ailleurs, le législateur a créé trois infractions dites d’intoxication volontaire.
En matière d’homicide, l’article 221-5-6 du Code pénal prévoit :
« Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait pour une personne d'avoir consommé volontairement, de façon illicite ou manifestement excessive, des substances psychoactives en ayant connaissance du fait que cette consommation est susceptible de la conduire à mettre délibérément autrui en danger, lorsque cette consommation a entraîné un trouble psychique ou neuropsychique temporaire sous l'empire duquel elle a commis un homicide volontaire dont elle est déclarée pénalement irresponsable en application du premier alinéa de l'article 122-1.
Si l'infraction prévue au premier alinéa du présent article a été commise par une personne qui a été précédemment déclarée pénalement irresponsable d'un homicide volontaire en application du premier alinéa de l'article 122-1 en raison d'une abolition de son discernement ou du contrôle de ses actes résultant d'un trouble psychique ou neuropsychique temporaire provoqué par la même consommation volontaire de substances psychoactives, la peine est portée à quinze ans de réclusion criminelle. Dans les cas prévus au présent alinéa, les articles 132-8 et 132-9 ne sont pas applicables ».
Des délits d’intoxication volontaire ont aussi été prévus pour les auteurs de faits de tortures, d'actes de barbarie ou de violences (Article 222-18-4 du Code pénal) ainsi que pour des faits de viol (Article 222-26-2 du Code pénal).
Ainsi, lorsqu’une personne a commis de tels faits mais qu'elle a été déclarée irresponsable pénalement en raison du fait que son discernement était aboli, celle-ci pourra malgré tout être condamnée pénalement pour avoir volontairement consommé des substances psychoactives qui ont entraîné une telle abolition. Pour cela, il faut que cette personne ait eu conscience que cette consommation pouvait représenter un danger.
En d'autres termes, elle ne sera pas condamnée pour l’acte en tant que tel (homicide, viol, tortures…) pour lequel elle sera pénalement irresponsable, mais pour cette intoxication volontaire.